Balzac
Lui : Un jour précis, elles se réuniront, comme un hasard, une coïncidence.
Elle : Qui elles ?
Lui : 13 femmes, l’une d’entre elle me trahira.
Silence. Léger bruit de crayon de papier qui gratte une feuille, elle, prend des notes et bougonne quelques instants.
Elle, grogne : Oui.... je vois, continuer
Lui, nerveux : Non ! vous ne voyez pas ! vous voyez un délire christique, vous croyez que comme tout bon schizophrène ou je ne sais quoi je me prend pour le Christ, le sauveur, mais je ne suis pas fou !
Elle : vous n’arrêtez pas de me le répéter monsieur, Je le sais bien. Calmez-vous et reposez vous. (un temps) voilà bien, parlez moi.....
Lui, calmé : J’en étais où ?
Elle, se relit : L’une d’entre, elle va vous trahir, lors d’une réunion dûe au hasard.
Lui : Oui, c’est cela ! mais elle ne me trahira pas vraiment, car elle y trouvera son compte, elle se retrouvera elle. Comme toutes les autres ailleurs d’ailleurs, mais elle plus que les autres.
Elle : Mais pourquoi doivent-elles se rencontrer?
Lui aussitôt : Pour le combat ! le grand combat !
Elle, intriguée : Quel combat ?
Lui : Celui contre la phallocratie !
Elle, étonnée : La phallocratie ?
Lui : Oui ne soyez pas plus idiote que vous n’y paraissez docteur, le pouvoir des hommes, la phallocratie, comme la démocratie est le pouvoir au peuple, la monarchie le pouvoir au monarque, la phallocratie est le pouvoir au sexe male ! Une aberration de notre intelligence, Si on peut appeler cela comme ça ! Mais ces 13 femmes se batteront et continueront de se battre pour renverser ce pouvoir : la phallocratie.
Elle : Et comment ?
Lui : Là je ne sais pas.
Elle : Je ne comprends pas .
Lui : Je vais assister à la réunion de 13 femmes, je vais même inciter certaines à se réunir pour qu’elles puissent un instant, se voir et comprendre en un déclic que leur futur combat sera contre la phallocratie.
Elle, qui ne comprend toujours pas : Mais où est l’intérêt de ce rassemblement ? Elles vont se battre ensemble ? Former un groupe politique? se réunir... comment vont elle combattre la phallocratie ?
Lui : Je ne sais pas. Je ne suis qu’un écrivain vous savez, je ne fais qu’écrire ce que j’entends des forces supérieures vous savez... je n’obéis qu’à cette voix qui me dit de réunir 13 femmes et d’assister à l’évènement.
Elle : Mais que ferez-vous pendant l’évènement ?
Lui : J’écrirais....Je décrirais aux témoins de l’extérieur et des années, voir des siècles à venir, je raconterais l'histoire de la réunion de ces 13 femmes autour d’un événement majeur.
Elle : Je vois oui...
Elle, écrit encore. Le bruit du crayon est plus nerveux, l’un des micros frotte sur un tissu, Lui bouge, Lui boit.
Lui : Vous me croyez fou......
Elle : Non, je crois que vous souffrez d’une maladie
Lui : Je ne comprend pas.
Elle : Elle vient d’où cette voix ?
Lui : C’est cela qui vous inquiète....Depuis que je suis tout petit, depuis qu’on m’a donné des calmants pour dormir à cause d’une rage de dents, j’ai entendu cette voix, puis des voix puis il y en a encore eu d’autres et puis il y a eu cette voix qui m’a aidé à écrire.
Elle : Une voix vous a aider à écrire ?
Lui : J’ai écrit, écrit exactement 148 romans et nouvelles en trois ans. Les voix me dictent des livres, des millions de mots qui forment un livre immense et elles n’arrêtent pas. Depuis trois jours, elles parlent différemment, elles me parlent comme si je devais être là à un moment, attendre un évènement majeur, d’ailleurs je m’entends écrire.
Elle : Et vous y ferez quoi lors de cet évènement majeur ? Vous allez inciter la réunion, inviter les 13 femmes ? Vous allez faire quoi ?
Lui : Je vais aider certaines à venir et puis je vais regarder, apprendre et décrire.
Elle : Décrire ?
Lui : Oui, décrire la scène, et écrire ce merveilleux moment.
Elle : Oui je vois.....
Elle se remet à écrire .
Elle : Vous savez pourquoi vous êtes dans cette établissement?
Lui : Oui, je crois. La police est venue me chercher et elle m’a trouvé relié à mon ordinateur. Ils ont eu peur quand j’ai fait ma descente d’acide. J’étais déjà fiché, j’ai fait plusieurs séjour en asile psychiatrique il était logique que je me retrouve en face de vous et que je consulte un psy comme dans chaque cas de dégrisement.
Elle : Que faisiez-vous connecté à votre ordinateur?
Lui : Il me permet de créer.
Elle : Créer quoi?
Lui : Je suis persuadé que les liens hypertextes nous donnent l’occasion de créer le roman du futur, celui où s’enchevêtreront les pensées de tous les personnages, laissant au lecteur le choix de choisir celui qui lui correspond le plus, et pourquoi pas, celui de pouvoir connaître une histoire telle qu’elle est dans la réalité...
Elle : Telle qu’elle est dans la réalité ?
Lui : Oui, on ne sait pas tout dans la réalité, mais si dans un livre vous donnez toutes les cartes à votre lecteur, il peut suivre l’auteur linéairement ou alors passer d’un esprit à l’autre.
Elle : Comme le dédoublement de personnalité?
Lui ne répond pas
Elle : Comme les voix différentes qui parlent dans votre tête?
Lui ne répond pas.
Elle : Vous voulez des calmants....je comprends, vous êtes en manque. Les drogues de synthèse que vous preniez pour vous connecter, étaient très puissantes. Vous avez besoin de quelque chose un verre d’eau ?
Lui : Non, je suis juste vexé.
Elle : Pourquoi?
Lui : Vous ne croyez pas à mon histoire.
Elle, déconcertée : Si j’y crois mais je peine à comprendre votre rôle au milieu de ces 13 femmes....vous n’allez pas leur offrir de messages rien...
Lui : Non, je vais juste être trahi!
Elle : Trahi par l’une d’elle ? Et vous connaissez l’identité de celle-ci ?
Lui : Tout à fait .
Elle : Mais pourquoi trahi?
Lui : Parce qu’elle ne me permettra pas de finir ce que je devais faire.
Elle : Et que devez vous faire ?
Lui : Je ne sais pas . La voix ne me l’a pas dit. Je sais juste que comme tout homme je dois faire circuler l’information, comme un vulgaire neurone.
Silence, Elle croit comprendre, elle écrit en grognant quelques mots.
Elle : Je crois que je vais vous garder en observation quelques jours monsieur, vous avez besoin d’une cure de désintoxication, nous en reparlerons après votre traitement.
Lui : Mais je n’entendrais plus les voix, la voix.
Elle : si, je crois... mais les drogues ont tendance à ...endommager votre....récepteur cérébrale si vous préférer, alors mieux vaut vous désintoxiquer.
Lui : Je comprends, la voix me l’avait dit. Mais vous savez sans les drogues, les voix n’étaient pas si claires.
Elle : Je crois comprendre, oui, mais ne vous inquiétez pas, je vais vous aider à guérir.
Lui : Mais je ne suis pas malade vous savez !
Elle, intéressée par cette réponse : Ah bon ?
Lui : Non je sais que même notre rencontre était prévue.
Elle étonnée : Ah bon !
Lui : Oui, la voix me l’avait dit, je vous attendais, vous avez eu un léger moment de retard même trente seconde, vous avez renversé du café sur vous, à la machine.
Silence
Elle, très étonnée: Mais comment avez vous pu le savoir ? j’ai changé de chemisier!
Lui : Je l’ai écrit dans l’un de mes romans, la voix me l’a dit. Vous avez fait tomber du café sur votre chemisier, vous avez loupé votre bouche.
Elle : Et que vous a dit d’autre la voix ?
Lui : Que vous serez l’une des 13
Elle, étonnée : Je ne comprends pas ?
Lui : La voix m’a dit que vous serez l’une des treize.
Elle, embarrassée fait tomber son crayon qui résonne sur le sol : Et ?
Lui : Vous me trahirez ! Et là vous allez me dire que je suis malade ! je le sais, si vous saviez le nombre de fois que j’ai entendu cette discussion dans ma tête....
Elle à bout de souffle : Fin de l’entretien avec le détenu 145-08-99
Choc de la bande magnétique : STOP